Le 26 juillet 2025, l’ONG Filles en Actions a investi Tokpa-Domè, dans la commune de Kpomassè, avec un théâtre-forum pas comme les autres. Intitulée Wa sé bo Doxami (“Viens écouter et parlons-en”), cette rencontre s’inscrit dans la campagne DOXAMI sur les droits en santé sexuelle et reproductive. Objectif était de déconstruire les tabous et informer sur la loi SR-2021. De plus, il était question de lutter contre les idées reçues qui entourent encore l’Interruption volontaire de grossesse, en particulier en milieu rural. Le théâtre-forum a rassemblé près de 400 personnes jeunes, parents, professionnel(le)s de santé, leaders communautaires. Ce chiffre, bien au-delà des attentes initiales, témoigne de l’intérêt des populations pour ces questions encore peu abordées dans les espaces publics locaux.
Donner des mots à ce qui se tait

La présidente de l’ONG Filles en Actions, Brian Sossou, a salué la forte mobilisation en insistant sur l’urgence de parler ouvertement d’avortement sécurisé. S’appuyant sur les chiffres de l’INSAE, elle a rappelé que l’avortement clandestin est responsable de plus de 15 % des décès maternels au Bénin. Puis, la mortalité se trouve encore plus élevée dans les zones rurales.
« Ce ne sont pas que des chiffres, a-t-elle souligné. Ce sont des vies brisées. Des adolescentes, parfois à peine sorties de l’enfance, qui perdent la vie. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont pas accès à une information fiable ni à des services adaptés. »
Son message était clair. « Parler d’IVG, ce n’est pas en faire la promotion. C’est offrir des moyens concrets pour se protéger, choisir, et vivre en toute sécurité. »
Des scènes inspirées du réel pour déclencher la discussion

La soirée a débuté par une caravane de sensibilisation animée par la fanfare locale, qui a traversé les villages voisins. Ensuite, les participant(e)s ont assisté à une série de scènes jouées par des jeunes, inspirées de témoignages réels. Chaque tableau abordait une problématique précise. Il s’est agit de la stigmatisation des jeunes filles, l’ignorance de la loi, le poids du silence familial.
Le théâtre a servi de déclencheur. En effet, il a permis aux un(e)s et aux autres de s’exprimer sans gêne, dans un cadre sécurisé. Les échanges intergénérationnels qui ont suivi ont montré la complexité des perceptions autour de l’IVG. Certains adultes ont exprimé leur opposition catégorique. D’autres, plus nuancés, ont reconnu que l’écoute et l’information sont des clés essentielles pour éviter des drames évitables.
Éclairer la loi, dissiper les doutes

Un panel bilingue en fon et en français a permis de rappeler les dispositions de la loi SR 2021-12, qui encadre légalement l’IVG au Bénin. Dr Laïfoya Olodo, médecin coordonnateur de la zone sanitaire Ouidah-Tori-Kpomassè, a mis en garde contre les dangers des avortements clandestins. Ces derniers peuvent entraîner des hémorragies, infections graves, stérilité irréversible, voire fistules obstétricales.
« Trop de jeunes filles arrivent trop tard dans les centres de santé, a-t-il expliqué. Souvent parce qu’elles ne savent pas que des solutions sécurisées existent. »
Loin d’un cours magistral, les échanges ont permis aux habitant(e)s de poser des questions concrètes. Ils ont pu avoir des informations sur où aller, à qui s’adresser, que faire en cas de doute. Une élève a notamment pris la parole pour condamner l’avortement clandestin. Elle a affirmé qu’elle « accompagnerait toute amie en difficulté vers un centre de santé ».
Une mobilisation communautaire qui amorce un changement
L’initiative a été saluée par les autorités locales. Marcel Kpanou, représentant du chef d’arrondissement, a appelé à faire circuler l’information au sein des familles, dans les lieux de culte, à l’école. Pour lui, chaque habitant(e) peut devenir un relais de sensibilisation.
Du théâtre au panel, en passant par les témoignages et les prestations artistiques, la soirée a offert une approche complète d’émotion, d’information et de dialogue. À travers cette action, l’ONG Filles en Actions rappelle que la santé sexuelle et reproductive n’est pas un luxe réservé aux villes. C’est un droit, qui doit pouvoir s’exercer partout.
Loin d’imposer une vérité, le théâtre-forum Wa sé bo Doxami a permis à chacun(e) de formuler ses doutes, ses craintes, mais aussi ses espoirs.
Hontongnon Yanick ZOUNTCHEGBE