Comment faire durer les actions DSSR ? L’ONG Filles en Actions ouvre le débat

Comment faire durer les actions DSSR ? L’ONG Filles en Actions ouvre le débat

Au Bénin, les questions de santé sexuelle et reproductive se posent avec acuité depuis plusieurs années. Les adolescentes et les jeunes font face aux grossesses précoces, aux violences basées sur le genre et à un accès inégal aux services de santé. En partenariat avec les organisations de la société civile, les acteurs locaux ont engagé des actions et obtenu des avancées notables. Pourtant, les difficultés persistent. Le retrait progressif de certains financements extérieurs fragilise les interventions en cours. Dans ce contexte, une question s’impose : comment assurer la continuité des actions en faveur des Droits et Santé Sexuels et Reproductifs lorsque les ressources se raréfient ?

Pour répondre à cette interrogation, l’ONG Filles en Actions a organisé, le 12 décembre 2025, un atelier de capitalisation et de co-analyse des enjeux en matière de DSSR au siège de l’Institut national de la Femme. La rencontre s’inscrit dans le cadre du projet Nos Droits, Notre Vie du mouvement Billi Now Now, mis en œuvre depuis 2023 dans la commune de Tori-Bossito.

L’atelier a réuni des institutions publiques, des élus locaux, des organisations de la société civile, des entreprises privées, des partenaires techniques et des jeunes. Les participant(e)s ont dressé le bilan des actions menées, analysé les défis persistants et engagé une réflexion collective sur les mécanismes de financement durable des DSSR, au niveau local comme national.

Trois ans d’actions, une question centrale : comment durer ?

Depuis trois ans, le projet a fait de Tori-Bossito un véritable laboratoire à ciel ouvert. Des ateliers narratifs ont permis aux jeunes de s’exprimer sur leurs réalités. Des formations ont renforcé leurs capacités en plaidoyer fondé sur les évidences. Des analyses situationnelles ont réuni autorités locales, leaders communautaires et organisations de la société civile. Les acteurs ont dynamisé les cadres de concertation existants sur les DSSR et les violences basées sur le genre. Ils ont également mis en place une Task Force citoyenne chargée du suivi de l’action publique et du contrôle des engagements communaux. Parallèlement, certaines entreprises locales ont accepté d’investir leurs propres ressources dans la promotion des DSSR.

Ces actions ont produit des résultats mesurables. La mairie de Tori-Bossito a intégré les DSSR dans son Plan de Développement Communal. Elle a pris en compte plusieurs recommandations issues des travaux des jeunes et des acteurs locaux. La commune figure aujourd’hui parmi celles reconnues pour leurs efforts en matière de redevabilité et de gouvernance locale.

Cependant, l’essentiel des interventions repose encore sur des financements extérieurs. La diminution progressive de ces ressources fragilise la continuité des actions. Cette situation oblige désormais les parties prenantes à repenser les mécanismes de financement et à explorer des solutions durables, ancrées dans les ressources locales.

Dépendre d’ailleurs, le talon d’Achille des initiatives DSSR

Les échanges ont mis en lumière la forte dépendance des actions en faveur des DSSR aux partenaires internationaux. Les participant(e)s ont alerté sur la vulnérabilité des interventions lorsque ces financements diminuent ou se retirent. Selon eux, cette dépendance limite la capacité des collectivités et des communautés à planifier des actions durables.

Plusieurs intervenant(e)s ont rappelé que la baisse des financements extérieurs affecte en priorité les femmes et les jeunes. Elle réduit l’accès à l’information, freine la mise en œuvre des services de santé sexuelle et reproductive et affaiblit les mécanismes de prévention et de prise en charge des violences basées sur le genre.

Sur le plan juridique, les DSSR relèvent pourtant de droits fondamentaux et non de programmes optionnels. La secrétaire exécutive de l’Institut national de la Femme, Flore Djinou, a souligné que leur mise en œuvre ne peut dépendre de ressources instables ou conditionnelles. Elle a appelé les institutions publiques à assumer pleinement leur responsabilité budgétaire. Selon elle, seul un financement domestique structuré peut garantir un accès continu, équitable et de qualité aux services de santé sexuelle et reproductive.

Les autorités locales assument leur position

Les autorités locales ont pris part aux échanges pour écouter, répondre et réfléchir aux pistes d’amélioration. Le maire de Tori-Bossito, également président de l’Association des Communes de l’Atlantique et du Littoral, a affirmé que la santé sexuelle et reproductive relève pleinement des responsabilités des collectivités territoriales.

Selon lui, les communes ne peuvent plus considérer ces questions comme marginales. L’expérience menée à Tori-Bossito repose avant tout sur une volonté politique assumée. Ce choix a permis d’installer un cadre de concertation durable, d’impliquer les jeunes et de faire des DSSR une priorité communale. En tant que président de l’ACAL, il a invité les autres communes à s’inspirer de cette démarche et les a encouragées à intégrer les DSSR dans leurs plans de développement communal, au-delà des approches ponctuelles liées aux projets.

Le maire n’a toutefois pas éludé les limites actuelles. Il a reconnu que la dépendance aux financements extérieurs fragilise les actions locales et a insisté sur la nécessité de mobiliser davantage de ressources endogènes afin de garantir la continuité des interventions.

Capitaliser les acquis et renforcer la collaboration

La présidente de l’ONG Filles en Actions a, pour sa part, mis en avant l’implication de la commune de Tori-Bossito. Elle a rappelé que la coopération s’est construite dans la durée, portée par un choix politique clair et par la volonté d’affronter des problématiques longtemps tenues à l’écart du débat public local. À ses yeux, cet engagement a permis d’ouvrir un espace de dialogue et d’expérimentation peu courant à l’échelle communale.

Elle a également salué le rôle des institutions nationales et des partenaires impliqués, notamment l’Institut national de la Femme et le ministère des Affaires sociales et de la Microfinance. Évoquant les défis, Brian Sossou a souligné que les progrès réalisés restent fragiles. Elle a pointé la persistance des inégalités sociales, la vulnérabilité économique, le poids des normes sociales et la dépendance aux financements extérieurs, autant de facteurs qui continuent de freiner l’accès effectif des femmes et des jeunes aux Droits et Santé Sexuels et Reproductifs.

Pour y répondre, elle a plaidé pour un renforcement de la coopération entre l’ensemble des parties prenantes. Institutions publiques, collectivités locales, secteur privé, société civile et communautés doivent, selon elle, unir leurs efforts afin de dépasser les logiques de projet et construire des réponses durables.

L’atelier s’est achevé par des travaux de groupe et la formulation de recommandations. Les participant(e)s ont identifié plusieurs priorités de plaidoyer, notamment la création de lignes budgétaires dédiées aux DSSR, l’intégration renforcée des services de santé sexuelle dans la Couverture Sanitaire Universelle et la mise en place de cadres de concertation durables.

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