La ville d’Abomey-Calavi s’est peinte en jaune ce mercredi. Pas le jaune qui rappelle le présage du drapeau national, mais celui de l’espoir. L’espoir pour la santé reproductive des filles et des femmes. Ce 15 octobre 2025, les rues d’Abomey-Calavi étaient noires de monde et jaunes d’engagement. Cent zems, accompagnés de dizaines d’autres participant(e)s, ont parcouru dix kilomètres pour dire que la santé se protège et doit être protégée. Après les étudiant(e)s, les parents, les communautés reculées et les patronnes d’ateliers, c’est à leur tour de recevoir le message et de le transmettre. Tout cela s’inscrit dans la campagne Kekenon wa Doxami, “Taxi-Moto, viens le dire avec moi”, portée par l’ONG Filles en Actions. Une étape de plus dans la grande campagne DOXAMI qui fait vivre la loi SR21 jusque dans les rues, les klaxons et les cœurs.
Une marée jaune pour une cause vitale
De Maria-Gléta à la mairie d’Abomey-Calavi, des centaines de personnes ont parcouru dix kilomètres pour parler de santé sexuelle. Le soleil brûlant et les pavés secouent les motos, mais rien n’entame la détermination des caravaniers. Au contraire, les obstacles ont semblé renforcer leur énergie. Progressivement, les rues, même les plus enclavées, se sont remplies de jaune. Pendant que certains zems levèrent leurs drapeaux, d’autres klaxonnèrent pour attirer les regards sur ce sujet aussi important.
Au milieu, les pancartes, elles, parlent d’elles-mêmes. “La loi SR21 protège nos vies.” “La santé reproductive est un droit.” ‘’L’avortement clandestins tue.’’ Ces mots ont flotté dans l’air tels des refrains. De même, les phrases défilèrent au même rythme que les moteurs, et la curiosité grandit au fil du chemin. Les regards sont aussi nombreux que curieux. Toutefois, tout est prévu. Sur le passage de la caravane, les questions ont trouvé des réponses. Des volontaires formés pour l’exercice expliquent le but. Puis, peu à peu, le message s’est propagé.
À l’arrivée, devant la mairie, les moteurs se sont tus pour dresser le tapis rouge aux voix. Le message a pris différentes formes pour être diffusé. Un podcast, du slam, des prestations artistiques ont traduit en émotions ce que les moteurs ont laissé sur le bitume.
100 ambassadeurs envoyés en mission
Ils sont cent. Cent ambassadeurs, et pas des moindres. Des hommes et des femmes qui vivent la route, respirent la ville et connaissent les réalités de chaque carrefour. Leur influence est réelle d’autant qu’ils représentent une force d’opinion capable de diffuser une idée, de changer un comportement ou de questionner une habitude. C’est cette puissance que l’ONG Filles en Actions a voulu mobiliser pour Kekenon Wa Doxami. Comme l’a rappelé Brian Sossou, présidente de l’ONG Filles en Actions, ils sont « des passeurs de vie parce qu’ils sont témoins de la société, de ses joies comme de ses blessures. »
Épiphane Léandre Tovènon, secrétaire général du syndicat Unazeb et Sg du Collectif des syndicats de zémidjan d’Abomey-Calavi (Cosynzac), l’a confirmé : « Nous sommes des milliers à enfourcher nos motos dès l’aube. Nous rencontrons le pays dans toute sa diversité : les jeunes étudiant(e)s, les femmes commerçantes, les mères fatiguées, les élèves pressé(e)s, les travailleurs et travailleuses de tous les jours. »
Pour lui, ces conducteurs sont véritablement les témoins d’une société en mouvement. Conséquemment ils ont le pouvoir de participer au changement. « En tant que zems, nous avons le pouvoir de changer cette réalité. Nous pouvons sensibiliser, informer et orienter celles et ceux qui en ont besoin vers des services sûrs et légaux », a ajouté Epiphane Léandre Tovènon. Leur rôle désormais reconnu et valorisé, ils se sont engagés à devenir « des acteurs et actrices du changement, des messagers de la vie et des alliés des femmes et des jeunes dans la lutte contre les avortements clandestins ».
Un engagement partagé avec les autorités locales
« La mairie d’Abomey-Calavi vous assure de son soutien indéfectible et veillera à ce que votre engagement soit reconnu et valorisé », a déclaré le maire, Angelo Ahouandjinou lors de son discours. Pour lui, la santé reproductive ne doit plus être perçue comme un sujet lointain ou exclusivement technique. « Elle représente avant tout un enjeu de gouvernance locale, de justice sociale et de droits humains. » Par ces mots, le maire a officiellement lancé la mission des cent Zems Ambassadeurs Doxami, au nom de la commune d’Abomey-Calavi.
Le discours du maire a reçu le soutien de l’Association des Communes de l’Atlantique et du Littoral (ACAL), présidée par le maire de Tori-Bossito, Rogatien Akouakou. Le président a affirmé que « L’ACAL est fière d’accompagner cette initiative, qui s’inscrit pleinement dans notre stratégie visant à faire de la santé des jeunes une priorité politique et sociale »
Les deux autorités communales ont démontré que la santé reproductive s’étend désormais aux institutions locales, unies pour porter un message commun.
Des tenues, des casques et un message qui voyage
Les cent zems ambassadeurs ont reçu des tenues et des casques officiels. Au dos des tenues et sur les casques, un code QR redirige vers la loi SR21 et vers les informations essentielles à connaître sur la santé sexuelle et reproductive. En un scan, leurs clients peuvent découvrir les droits, les procédures et les services disponibles.
Pour beaucoup, ce détail change tout. Jonas, zem depuis huit ans a confié : « Maintenant, même quand je transporte quelqu’un, le message roule avec moi. Si la personne scanne, elle apprend quelque chose. C’est comme si mon maillot parle sans même que je n’ouvre la bouche. C’est tellement important vu que l’avortement clandestin tue beaucoup. »
Une jeune participante à la caravane et membre d’une organisation de jeune, Rosine salue l’initiative. « C’est une idée géniale. Ces zems vont partout, dans les coins où les affiches n’arrivent pas. Grâce à eux, le message continue de circuler, même quand la campagne s’arrête. »
Le message est passé, les regards ont changé, et la loi SR21 a trouvé de nouveaux porte-voix. Pour l’ONG Filles en Actions, cette étape de la campagne Kekenon wa doxami n’est qu’une autre case cochée. Le cap sera bientôt mis sur d’autres cibles, avec la même conviction et le même message.
Hontongnon Yanick ZOUNTCHEGBE